Le Muséum National d'Histoire Naturelle
de Paris possède la plus importante collection d'insectes du monde avec environ 100
millions de spécimens.
En ce qui concerne les Rutelinae, il détient tous les types de Blanchard et de nombreux
types de Bates; cette Collection reste pour l'instant moins importante que celle du ZMHB
(Zoological Museum für Naturkunde der Humbold-Universität der Berlin) du fait du travail
considérable du Docteur Ohaus et des très nombreux types qu'il y a déposés; j'espère
néanmoins, par des ajouts constants, arriver à ce que la collection du MNHN devienne la
première du monde comme elle l'est déjà pour bien d'autres familles.
Dans les boîtes du Muséum, 15 millions d'échantillons encore à étudier !
Méditant sur le livre de Robert Louis Stevenson, "Le cas
étrange du Docteur Jekyll et de Mister Hyde", Vladimir Nabokov se rappela un
apologue chinois sur le thème de la métamorphose : "il y avait un philosophe
qui toute sa vie se demanda s'il était un philosophe qui rêvait qu'il était un papillon
ou un papillon qui rêvait qu'il était philosophe". Que dire en effet, devant
le spectacle de la nature, toujours recommencée ? La découverte de ses merveilles se
partage entre l'immensité d'un côté, l'infinitésimal de l'autre. Avec, à
l'extrémité de ces deux pôles, le penseur qui ne se sépare pas de ce qu'il perçoit.
Loin d'être une forme mineure de l'essai de compréhension des phénomènes,
l'entomologie tient une place privilégiée au nombre des sciences du vivant, depuis le
XVIIème siècle, avec, entre autres, la publication des gravures sur bois
d'insectes du Surinam de Maria Sylla Merian (1647-1717), puis le splendide Die
Schmetterlinge d'Esper (1777). De manière générale, à dater du milieu du XVIIIème
siècle, les savants ne recherchent plus à porter un message en travestissant la nature,
conçue comme un prétexte soit pour louer la divinité, soit pour exalter l'homme, mais
s'appliquent, au contraire, à l'analyser, en profondeur, à la manière d'un poème
parfait où tout prend sa place.
Au rebours du rationalisme hérité de Descartes, l'idée qui court les esprits, de
Maupertuis à Schelling, est qu'il existerait une échelle des êtres dont l'homme
constitue le chaînon le plus élevé, suivi des bêtes, des insectes, des plantes, des
pierres et des astres. La nature est comprise dans cette grande chaîne des êtres qui
mène de l'animal au minéral, en passant par le végétal.
On ne s'étonne plus de voir Rousseau rêver aux plantes au gré de ses promenades
solitaires, ni surtout Buffon réorganiser de fond en comble le jardin royal des herbes
médicinales, devenu, en 1793, le Muséum national d'histoire naturelle.
Thierry Deuve
Yves Cambefort
Michel Boulard
Patrice Leraut
Arnaud
Faille
Antoine Mantilleri
Dr Gérard Tavakilian
Dechambre
Olivier Montreuil
André Nel
Le Muséum est un haut lieu du patrimoine mondial
A l'heure où la science ne sait plus à quelle planète se vouer, de Mars ou de Jupiter,
force est de constater que le legs de pensée que nous ont faits les hommes des Lumières
est d'une richesse incomparable. Les collections d'insectes du Muséum en font un des
hauts lieux du patrimoine mondial, avec près de 100 millions de spécimens conservés
dans 250 000 boîtes, alignées sur une trentaine de kilomètres de rayonnages.
- L'intérêt de nos collections ne le cède nullement à celui de Londres et de
Washington, explique Loïc Matile, directeur du laboratoire d'entomologie du Muséum. Pour
prendre un autre exemple, les collections de Saint-Pétersbourg seront sans doute plus
riches en insectes provenant de Sibérie, mais bien plus pauvres pour d'autres parties du
monde, comme l'Afrique tropicale. Notre richesse tient à ce que nous offrons des pièces
qui permettent de saisir une vision globale de la biodiversité.
Les collections du Muséum qui nous restent en parfait état datent en majorité du XIXème
et du XXème siècle, grâce aux expéditions coloniales, puis à l'apparition
des transports aériens. Dès les années 30, mercenaires du minuscule, des entomologistes
partent en Asie et en Afrique. En outre, ces dernières années, le raffinement de la
plupart des filets et l'apparition de nombreux pièges divers ont permis de multiplier par
10 les trophées d'insectes chassés. Ce qui n'empêche pas Loïc Matile de constater :
- On recense tous les ans de 4 000 à 5 000 espèces nouvelles. Il en existe encore au
bas mot, 10 millions voire 50 millions, inconnues de nous. Or, à cause de la disparition
de certaines forêts, des espèces entières, plusieurs fois millénaires, quittent la
terre à tout jamais, sans même que nous en ayons eu connaissance. Il s'agit de pertes
irréversibles. Qui sait ce qu'auraient pu nous révéler ces insectes défunts sur
l'évolution, donc sur nous-mêmes ?
L'intérêt de l'étude des insectes n'est pas seulement dans la découverte de beautés
qui faisaient éprouver à Vladimir Nabokov, au sujet des papillons, un "
frémissement de gratitude envers qui de droit - envers de tendres fantômes qui se
prêtent à tous les caprices d'un mortel heureux ". Mieux : grâce à une mémoire
génétique qui remonte à des millions d'années, les insectes nous renseignent de
manière irréfutable sur la dérive des plaques, l'expansion des continents ou la
formation des faunes.
- Par ailleurs, si on s'intéresse à l'évolution, précise Loïc Matile, il ne faut
pas oublier que les insectes forment le groupe le plus important. On ignore toujours
presque tout de la biologie de 98 % des espèces connues. L'étude de leur ADN est encore
embryonnaire. De même, ce ne sont pas moins de 15 millions d'échantillons du Muséum qui
attendent d'être étudiés. Quelles seront les révélations à venir ?
Et plus que l'état de conservation des collections, désormais sauves, c'est le manque
d'exploitation de ces trésors qui préoccupent Loïc Matile et les siens. L'importance de
continuer des travaux qui retinrent des esprits aussi divers que Roger Caillois ou
Frédéric Prokosch, ne fait pourtant aucun doute. A trouver hors de nous, une marque de
vie, expliquant pour partie la nôtre, nous éprouverons sans doute encore un peu de
l'émotion du philosophe chinois qui sait qu'il est un papillon et qui rêve qu'il est un
philosophe, ce "mortel heureux". Pour plus d'informations :http://www.mnhn.fr/
La
collection Oberthür :
La famille Oberthür est d’origine alsacienne. Le
grand-père de René….contribua à mettre au point la « lithographie »…L’un de ses
enfants, François-Charles…a l’idée de génie qui va changer le cours de sa vie et
celle de ses descendants : il crée l’ « Almanach des Postes »…Pour des milliers
de familles modestes, le « Calendrier des Postes »
est le seul accès à l’art…Longtemps avant sa disparition, François-Charles avait
associé ses deux fils, Charles et René, à son entreprise. Celle-ci emploie
quelque 1000 personnes : l’imprimerie Oberthür, à Rennes, est l’une des
entreprises les plus importantes de la région et
la première imprimerie de France.
François-Charles
était amateur de papillons, notamment lycènes et zygènes….dont il avait réuni
une intéressante collection. Dès 1861, il la laisse à son aîné Charles… ;
parallèlement, il offre à son cadet, René,
quelques boîtes de coléoptères,
rassemblés un peu au hasard ; cela décide de la vocation de ce dernier qui sera
coléoptériste et entrera à la SEF en 1871…Les deux frères se livrent si
sérieusement à leur passion que leurs collections prennent, en une vingtaine
d’années, des proportions considérables. La maison familiale est envahie (on
connaît…). En 1884, François-Charles décide de faire construire à côté de
celle-ci un pavillon consacré à l’entomologie….Le soin du détail est poussé très
loin : les céramiques des toilettes sont également ornées de motifs
entomologiques ! Outre les deux frères, plusieurs préparateurs ou préparatrices
surveillent, entretiennent et classent les collections que les deux frères
cherchent à accroître le plus possible ; Pour cela, ils financent les voyageurs
naturalistes de leur époque : …. En outre, ils concluent un marché avec les
principales congrégations missionnaires : en échange de la fourniture gratuite de tous les
imprimés nécessaires à leurs activités (bibles, missels, catéchismes, bulletins,
lettres paroissiales…), les missionnaires devaient récolter, ou faire récolter
par leurs ouailles, tous les insectes qui passaient à leur portée…
Outre les matériaux qu’il se procurait auprès des voyageurs et missionnaires,
René Oberthür pratiqua une politique d’achats à grande échelle…Surtout, il pu
acquérir presque toutes les grandes collections qui furent mises en vente
pendant sa vie…
En 1925, à la mort
de Charles, le Muséum de Paris ne put pas se rendre acquéreur de sa collection
de papillons, qui partit…à Londres. Désormais, le bâtiment de Rennes fut
entièrement à la disposition de René. On lui prête l’exclamation suivante, assez
peu fraternelle et certainement apocryphe : « Enfin, je vais pouvoir m’occuper de
papillons !»…Pendant toute sa vie, René Oberthür occupa la plus grande partie de
ses loisirs à travailler à sa collection ; il supervisait lui-même l’étiquetage,
la détermination et le classement ; pour faire identifier cet énorme matériel,
il avait recours aux spécialistes de toute l’Europe…
Pendant la
seconde guerre mondiale, le Dr. Georg Frey, lui-même (très grand…)
collectionneur de coléoptères, qui était alors officier dans l’armée allemande,
eut soin que le bâtiment abritant la collection soit convenablement chauffé et
entretenu. René Oberthür décéda le
27 avril 1944…René Jeannel, Directeur du Laboratoire d’Entomologie du
Muséum,
avait toujours gardé un œil sur les collections des deux frères ; il n’avait pas
apprécié le départ des papillons de Charles vers le British ; mais enfin, ce
n’étaient « que des papillons »… ! Après la guerre, il fit tout son possible
pour que l’énorme corpus de René, cette « Collection des Collections », suivant
le mot de Frey, puisse entrer dans le patrimoine national . Encore une fois, les Anglais menaçaient….Mais
Jeannel put obtenir le classement de l’ensemble au titre de « monument
historique », ce qui empêchait la sortie du territoire français. L’achat fut
alors négocié avec la famille pour 32 millions de francs de l’époque, montant
raisonnable compte tenu de ce qu’avait coûté la collection (20 fois plus, soit
quelque 600 millions, disait-on alors), mais qui ne put pas être réuni au Muséum
avant 1951….Le 13 décembre 1952, elle faisait son entrée au Laboratoire
d’Entomologie, où elle fut installée au troisième étage du 45 rue Buffon,
aménagé pour l’occasion. A son arrivée, elle comptait quelque 20 000 boîtes et 15 armoires, le tout renfermant au
moins 5 millions de spécimens, y compris des dizaines de milliers de types.
Mais seule une moitié de cet ensemble formait une collection proprement dite…,
l’autre moitié n’était qu’un immense « magasin », renfermant 2 à 3 millions de
spécimens non identifiés et non classés…Enfin, une grande Exposition
entomologique fut organisée au Muséum, de mai à septembre 1953, pour commémorer
cet évènement. Elle fut inaugurée par le ministre de l’Education Nationale, M.
André Marie, qui remit à Chopard la Légion d’honneur. Ce fut la première, la dernière et la seule fois que la
République française célébra solennellement l’entomologie, les coléoptères,
leurs collections et leurs collectionneurs…
(Dans « le
Coléoptériste » de juin 2004, « René Oberthür (1852-1944) et sa collection » par
Yves Cambefort ; j’invite les lecteurs à se procurer l’intégralité de cet
excellent article…).
Comptez les papillons !
:
Les Français sont invités à recueillir un maximum de données pour alimenter
l'Observatoire des papillons des jardins, mis sur pied par le Muséum d'Histoire
Naturelle :
La chasse aux papillons est ouverte. Mardi 21 mars 2006, jour du printemps, tous
les Français seront officiellement appelés à ouvrir grand leurs mirettes pour
compter les lépidoptères ... L'objectif ? Recueillir un maximum de données pour
alimenter l'Observatoire des papillons des jardins, mis sur pied par le MNHN,
avec l'Association Noé Conservation et la Fondation Nicolas Hulot. 3Nous avons
besoin de toutes les bonnes volontés", lance le biologiste Romain Julliard,
responsable de ce programme du Muséum
La procédure est simple : il suffit de s'inscrire sur un site Internet (http://www.noeconservation.org)
pour recevoir un guide d'identification des principales espèces et une feuille
de comptage. Ensuite, installé sur un banc du parc des Buttes-Chaumont, à Paris,
ou dans le jardin de sa maison de campagne, on ouvre l'œil pour repérer l'hespéride
de la mauve et ses petites taches blanches, l'amaryllis avec sa large bordure
brun sombre ou le flambé et son jaune pâle. Et on compte. Pendant 10mn ou 1
heure. Une fois par mois ou trois fois par semaine, peu importe. A la fin de
chaque mois, du printemps à l'automne, les participants saisissent leurs données
en remplissant un formulaire en ligne.
"Ce projet de Science citoyenne nous permettra de mettre en place un véritable
réseau de surveillance des espèces communes de papillons de jour", explique R.
Julliard. Très sensibles, ces lépidoptères servent en effet de précieux
indicateurs aux scientifiques. Pour mesurer la biodiversité, évidemment, mais
aussi pour détecter des effets du changement climatique : "On observe
actuellement une expansion du paon du jour dans toute l'Europe", note par
exemple le scientifique du Muséum.
Les papillons, décidément très utiles, sont également des témoins fiables de la
qualité des milieux naturels. "Leur abondance traduit la bonne santé d'un
jardin". Alors, pour les inviter chez vous, voici quelques recettes distillées
dans le guide qui accompagne cette opération : privilégier des combinaisons de
fleurs de couleurs jaune et mauve, dont ils raffolent; laisser tomber le gazon
et opter pour une pelouse composée d'un mélange de graminées et de trèfle;
planter des espèces locales et éviter l'emploi de pesticides. bref, devenez un
écojardinier. Et surtout n'oubliez pas d'ouvrir l'œil
!
Un an à regarder voler les
papillons des jardins français :
L'observatoire des papillons des jardins (OPJ) donne son
premier bilan après un an de fonctionnement : C'est symboliquement le jour du printemps que le premier bilan de l'OPJ a
été rendu public; un rendez-vous que les organisateurs voudraient maintenir
chaque année à la même date. Cet observatoire a été lancé par le Muséum (MNHN),
l'Association Noé Conservation et la fondation Nicolas H ulot pour sensibiliser
le grand public aux enjeux de la biodiversité. Enjeux principalement liés aux
changements climatiques, à la politique agricole commune et au programme Natura
2000 qui ont une action sur la faune et la flore.
Partant du fait qu'en Europe 50 % des papillons de prairie avaient disparu en
quinze ans, l'Observatoire essaie de constituer un véritable réseau de
surveillance de la biodiversité. pour que le projet réussisse, il faudrait que
la France, qui n'a pas de grande tradition naturaliste comme la Grande-Bretagne
(hum !!!), les Pays-Bas ou les Etats-Unis, parviennent à mobiliser un public de
plus en plus large de volontaires. A titre d'exemple, en Grande-Bretagne, 20 000
bénévoles parcourent chaque année 2 861 aires d'observation; alors qu'en France,
si environ 15 000 observateurs se sont inscrits sur le site Internet de l'OPJ (www.noeconservation.org),
seuls 5 000 à 6 000 d'entre eux y participent régulièrement.
Les premiers résultats de l'OPJ sont intéressants; ils se concentrent sur 28
espèces de papillons communs parmi les plus répandus alors qu'il en existe 260
espèces de jour et 4 827 de nuit; d'ores et déjà, ils indiquent que le nord du
Bassin Parisien (Picardie) compte en moyenne 10 espèces recensées par commune,
contre 19 pour le sud-ouest du Bassin (Beauce). La côte du Languedoc présente
une richesse inférieure à celle de la Côte d'Azur.
Bassins miniers incriminés :
Dans certaines régions, comme le bassin du Creusot et L'ouest de la Moselle, les
bassins miniers sont incriminés pour justifier le faible nombre de papillons.
Dans la région parisienne, c'est le tissu urbain. Alors que pour d'autres zones,
comme le nord de la Dordogne, les Hautes-Pyrénées, le sud de l'Alsace et le nord
de la Franche-Comté, l'explication nécessitera des analyses supplémentaires.
Il a également été observé que le cycle de vie des papillons
comme l'aurore se déroule entre avril et juin tandis que la belle -dame est
visible d'avril à octobre; cette donnée témoin permettra de faire des
comparaisons durant les années suivantes, d'observer d'éventuels décalages et de
les corréler avec les phénomènes météorologiques, notamment.
Par ailleurs, certains papillons, comme le brun du pélargonium, une espèce
invasive venant d'Afrique du Sud, se propage vers le nord.
Forts de ces renseignements qui seront complétés dans les
années à venir, les jardiniers en herbe devraient adopter des comportements plus
favorables aux papillons et à l'environnement. Les jardins français représentent
plus d'un million d'hectares, soit environ 2 ù de la surface de la France.
Sensibilisées depuis 3 ans à ce sujet, les Côtes d'Armor ont installé 100
hectares de refuges à papillons grâce à l'Association Vivarmor.
(Le Figaro des 24-25 mars 2007)
La Maison des Papillons :
C'est au 45 de la rue Buffon que se trouve la troisième
collection de papillons du monde. L'endroit est magique, composé d'une
succession de salles semi-obscures, où s'alignent des murs entiers de tiroirs en
bois précieux, d'armoires de rangement, de casiers, de vitrines et de rayonnages
contenant des milliers d'écrins. Ce cabinet de curiosités
est le domaine exclusifs des chercheurs. Il ne se visite pas. Il rassemble plus
de 3 millions de spécimens, surtout des imagos étalés et conservés à sec,
mais aussi de nombreuses chenilles et chrysalides ainsi qu'un ensemble de 45 000
préparations microscopiques. L'essentiel des insectes
provient de collections privées comme celle, classée monument historique
et riche en papillons exotiques, de Mme Aimée Fournier de Horrack.
C'est le Professeur Jacques Pierre qui règne sur ce petit monde avec trois
spécialistes des lépidoptères rattachés au Muséum, sa femme Claude,
technicienne, et deux fidèles assistantes, Rose et Marguerite, "mes deux fleurs"
comme il aime à les appeler. Homme de terrain - ses expéditions l'ont conduit
aux quatre coins du globe - , mais aussi darwiniste convaincu, philosophe par
extension, poète à ses heures, cet homme, avec ou sans filet, est passionné et
passionnant. Les insectes sont un matériau privilégié pour
étudier l'origine et la biodiversité des espèces car ils représentent 90% du
monde animal. Passionné, Jacques Pierre voltige d'une théorie de l'Evolution
à l'autre, d'observations in natura en découvertes de laboratoire. Il fourmille
d'anecdotes, s'enthousiasme pour ses bestioles et se pose un milliard de
questions. savez-vous comment les monarques du Mexique, ces papillons migrateurs
qui parcourent des milliers de kilomètres entre le Canada et les forêts du
Michoacan, ont réussi à survivre tout en agitant leurs ailes striées d'orange et
de noir à la barbe des oiseaux ? Tout simplement en cessant de devenir
comestibles ! L'étude de ces insectes se révèle passionnante, d'autant que
l'existence de ces graciles invertébrés est fragilisée par la modification de
leur milieu naturel. Le réchauffement climatique, la destruction massive des
forêts, et bien sûr, la pollution, les mettent en danger. Si leur environnement
est saturé de pesticides, les papillons, qui se nourrissent de nectar,
s'empoisonnent et deviennent stériles. Dans les zones de culture où l'on rase
tous les bosquets, haies, friches et bords de route, ils ne trouvent plus ni
plantes nourricières ni lieux où pondre. Pour Jacques
Pierre, la protection de certaines espèces n'est pas la bonne solution, elle
engendre la contrebande et empêche les scientifiques de faire leur travail. Seul
le maintien des habitats a un sens pour la sauvegarde de la faune. Quant au commerce des papillons, il est essentiel aux
chercheurs qui n'ont ni le temps ni les moyens de se procurer les plus rares.
Autrefois, quelques riches collectionneurs avaient recours à des correspondants
sous les tropiques, souvent des pères missionnaires ou des planteurs qui
formaient des indigènes à la capture des papillons. Aujourd'hui, des chasseurs indépendants publient des catalogues sur Internet
et fournissent les amateurs privés en spécimens souvent trop coûteux pour les
collections nationales (ajout Soula : mais les collections privées finissent tôt
ou tard dans les collections nationales !). C'est pourquoi
Jacques Pierre soutient le développement des fermes d'élevage afin d'inciter les
populations autochtones à protéger leur environnement et donc à sauvegarder les
papillons. Sur la côte kényane, près de Malindi, la forêt Sokoké, dont
les espèces endémiques sont particulièrement prisées, est aujourd'hui protégée. Au Mexique, l'élevage des lépidoptères de couleur blanche
prend son envol avec les lâchers de papillons qui remplacent celui des colombes
à l'occasion des mariages et autres célébrations.
Malgré l'abondance du travail qui reste à
fournir, les entomologistes spécialistes du sujet sont, eux aussi, une espèce en
voie de disparition.
(Dans "ELLE" de novembre 2007)
Une si vieille nouvelle espèce
:
"Dans notre métier, on voyage régulièrement; mais bien
souvent, c'est en traversant le couloir qu'on découvre de nouvelles espèces".
Thierry Deuve, entomologiste au Muséum d'Histoire naturelle depuis 1989 parle
d'expérience. Conservée dans la collection de coléoptères du Muséum (ndlr : la
plus importante du monde), l'une des dernières espèces qu'il a décrite -
Brachinus solidipalpis, un carabique de la Famille des Bombardiers -
attendait qu'on veuille bien l'étudier depuis ...1843 ! D'après l'étiquette qui
les ornait, les sept spécimens existants ont été collectés à Manille
(Philippines). Depuis, plus aucune trace d'eux dans la nature. Les bombardiers
vivent en forêt et, aujourd'hui, il ne reste plus guère d'arbres dans la
capitale philippine, l'une des villes les plus peuplées du monde. Deux
hypothèses : soit l'espèce a bel et bien disparu, soit elle vit discrètement
dans une autre forêt de cette région. "Même si l'on sait que
la déforestation et l'usage des pesticides sont à
l'origine de beaucoup d'extinctions d'insectes, nous n'avons pas la
preuve formelle de la disparition de B. solidipalpis", assure T.
Deuve, résolument optimiste. La destruction d'un coléoptère a-t-elle tant
d'importance, dans un Ordre qui en compte des centaines de milliers ?
"Oui,
car c'est ça la biodiversité. Les différences entre ces espèces peuvent être de
l'ordre de celles qui existent entre la panthère et le jaguar : c'est énorme,
mais seuls les entomologistes les voient". La preuve, c'est que
les carabiques ont fait parler d'eux dans la première moitié du XXème siècle :
l'étude de leur répartition en Asie du sud a servi à
défendre la Théorie de Wegener sur la dérive des Continents. Du coléoptère aux
mouvements des terres, il n'y avait qu'un pas.
(National Geographic, juin 2008)
Le Muséum abrite une
extraordinaire collection de Coléoptères
:
Elle est unique au monde tant par sa richesse que par son volume. La collection
renferme plus de 20 millions de spécimens conservés dans 80 000 cartons de
rangement. Elle constitue plus de la moitié de la collection d'insectes. Cette
collection est la plus importante du Muséum aussi bien par le nombre d'individus
que par la diversité des taxons, puisqu'elle représente à peu près le quart de
l'ensemble des collections de zoologie. La collection renferme 185 000 types
(primaires, et secondaires), ainsi que probablement plusieurs milliers de syntypes non encore identifiés dans des collections du XIXe siècle. Les
différentes familles sont, pour la plupart, rangées en collection générale ou en
collections d'auteurs. Certaines sont des collections géographiques (Carabidae
de Madagascar, de la monographie du Dr R. Jeannel ; ou Coléoptères d'Afrique du
Nord, principalement Algérie, de P. de Peyerimhoff, Coléoptères de la forêt de
Fontainebleau, collection Iablokoff, etc.).
Parmi les
collections ayant une valeur patrimoniale, la plus ancienne date des années
1780. C'est la collection de Étienne-Louis Geoffroy qui contient un grand nombre
de types primaires. Elle est dans un excellent état de conservation. Une grande
partie de la collection de E.-A. Olivier fait également partie du patrimoine.
Des Insectes de ces 2 collections sont décrits dans l'Encyclopédie de
Diderot et d'Alembert. 3 collections sont classées monuments historiques : en
1949, la collection R. Oberthür (toutes les familles de Coléoptères) ; en 1977,
la collection J. Jarrige (Staphylinidés) et, en 1988, la collection J. Thérond (Histéridés).
La plupart de nos collections d'auteurs (plus de 300) sont énumérées dans Horn &
Kahl (1935), et Gaedicke & Smetana (1984).
Les 27 000 spécimens de la collection de Cétoines paléarctiques sont
enregistrés sous une base de données (8000 entrées).
Activité
Chaque année,
environ 50 travaux sont publiés par les chercheurs de la section et 300 autres
par des chercheurs extérieurs ayant utilisé des matériaux provenant, pour partie
ou en totalité, de ces collections.
Dans le cadre des collaborations internationales, la section collabore de
manière très importante sur le plan international aux recherches sur les
Coléoptères, par des prêts aux chercheurs d'autres institutions, nationales ou
étrangères. De 1995 à la fin de 2001, la section a effectué 1016 prêts de
spécimens à de nombreux spécialistes, soit environ 100 000 spécimens
communiqués, dont à peu près 6000 types. Parallèlement, de nombreux collègues
étrangers ou français, ainsi que des étudiants en thèse, viennent chaque année
travailler sur ces collections dans le cadre de recherches en systématique,
phylogénie et nomenclature notamment.
Inventaire en ligne :
Voulez-vous savoir quels animaux, quelles
plantes ont été recensés dans votre commune par les naturalistes ? Si le
mammouth ou le renne ont brouté dans votre jardin durant la préhistoire ? Ou
bien si une zone protégée se trouve à proximité de chez vous ? La réponse est
donnée par l'inventaire du patrimoine naturel le plus complet au monde publié
sur la Toile par le Muséum National d'Histoire Naturelle :
hptt://inpr.mnhn.fr
L'impact de l'entomologiste
sur l'environnement :
On
reproche souvent aux entomologistes de ramasser et de tuer de nombreux
insectes, ce qui aurait comme conséquence que les insectes deviennent de
plus en plus rares. Les entomologistes destructeurs de la biodiversité
!! Il est vrai qu'un entomologiste qui rentre
avec une récolte de 500 spécimens peut susciter de telles idées. Mais il
ne faut pas oublier que les insecticides tuent sans distinction des
centaines de milliers d'espèces; que l'éclairage public et toutes les
lampes attirent des milliers d'insectes qui y sont proprement incinérés;
que les voitures, trains ou avions détruisent à chaque kilomètre
parcouru de très grandes quantités d'insectes dont on peut voir les
restes sur les pare-brises. Lors d'une simple promenade en
forêt, à chaque pas, nous écrasons un nombre important d'insectes,
araignées et acariens du sol. Face à ces carnages, les efforts de
récolte des entomologistes sont vraiment dérisoires ! Cependant, certaines raretés
entomologiques sont la cible de chasseurs professionnels et peuvent de
ce fait être menacées (elles sont maintenant protégées !). Mais on ne
connaît aucune espèce d'insectes qui ait été exterminée par ce commerce
(ce n'est pas le cas de bien d'autres espèces animales !). Ce sont les activités de l'homme,
en particulier la destruction des biotopes (y compris par l'ONF !) qui
sont responsables de la diminution de la biodiversité, et non pas les
entomologistes qui savent exactement ce qu'ils cherchent et font des
prélèvements (en général ...) raisonnables qui ne risquent pas de
détruire les populations d'insectes.
Muséum
d'Histoire Naturelle de Genève.
A la recherche de l'origine
des insectes :
Une expédition scientifique polaire du MNHN et du CNRS avec le
soutien de l'IPEV, du 8 juillet au 12 août 2010
Le 8 juillet, une équipe de scientifiques du Muséum national
d'Histoire naturelle et du CNRS mettra le cap sur le Spitzberg, l'île principale
de l'archipel du Svalbard, territoire de l'Arctique situé à l'est du Groenland,
à la recherche de l'origine des insectes.
Leur mission : mettre au jour des fossiles d'arthropodes
terrestres, et tenter de dater la sortie des eaux des premiers insectes (Insecta et
Hexapoda), ainsi que l'apparition des lignées ailées au Dévonien. L'enjeu
est de taille, car, à ce jour, très peu de gisements de fossiles
d'arthropodes terrestres de ce type ont été découverts dans le monde.
La majeure partie de la mission se déroulera dans la péninsule du
Dicksonland, dans les vallées glaciaires qui entourent la ville
fantôme russe de Pyramiden. Le paysage spectaculaire de vieux grès
rouges de cette région est très favorable à la découverte de fossiles : les
versants des montagnes, avec leurs différentes strates qui se superposent
comme les pages d'un livre, présentent en effet une continuité
stratigraphique du Dévonien (de -416 à -359 millions d'années) au
Mississippien (de -345 à -320 millions d'années), avec un passage progressif
et alterné marin-continental. Ce type de paléo-environnement
correspond précisément à celui des premiers « insectes », puisque ceux-ci
sont apparentés aux crustacés marins.
Toutes les étapes de la
sortie des eaux ont pu se fossiliser et s'enregistrer dans les sédiments
fins caractéristiques de cette zone, aussi bien pour la paléoentomologie, la
paléobotanique, les paléo-traces de broutages sur les végétaux, de
paléoichnologie (déplacements d'êtres vivants), que pour les
paléo-vertébrés.
L'équipe réunit 6 spécialistes reconnus
autour de l'UMR MNHN/CNRS 7205 « Origine, structure et évolution de la
biodiversité » qui organise cette mission : - André NEL*,
paléoentomologiste, responsable des collections zoologiques d'arthropodes du
Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN), responsable de la mission ;
- Jean-Claude ROY, géologue, adjoint du chef de mission, responsable sur le
terrain, bénévole au Muséum ; - Jean-Michel BICHAIN, malacologue,
attaché au Muséum, responsable logistique de la mission ; - Cyrille
D'HAESE*, entomologiste, chercheur au CNRS ; - Romain GARROUSTE*,
entomologiste et paléoentomologiste au Muséum. - Dany AZAR,
paléoentomologiste, Université Libanaise, Beyrouth, Liban, associé au
Muséum.
Tous ont à leur actif plusieurs missions scientifiques
(inventaires) et chantiers de fouilles paléontologiques dans le monde
entier, ainsi que de nombreuses découvertes paléontologiques et
entomologiques.
La feuille de route des scientifiques est ambitieuse,
originale et très prometteuse : - repérage et échantillonnage des
niveaux fossilifères ; - collecte et identification des fossiles in situ
; - détermination des associations fauniques et botaniques dans le
Dévonien et le Mississipien, avec la localisation des niveaux fossilifères ;
- récolte et identification des faunes associées composées principalement de
vertébrés (macro- et micro-restes fossiles), des invertébrés marins et
continentaux, de la flore (palynologie et macro-restes) et des
ichnofossiles. - amélioration des connaissances sur la biodiversité
actuelle des invertébrés des milieux extrêmes du Svalbard.
L'expédition scientifique polaire « A la recherche des premiers insectes » a
reçu le soutien de l'Institut Polaire français Paul-Emile Victor (IPEV).
Le Muséum se dote d'un scanner 3D pour "traverser la matière"
:
Le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) de Paris a
inauguré lundi un scanner 3D ultra-performant qui permettra aux chercheurs de
disséquer virtuellement un petit insecte et de découvrir sans les abîmer
l'intérieur du cerveau d'un fossile préhistorique ou d'une météorite.
Cet équipement de pointe, baptisé AST-RX (prononcez
"Astérix"), réalise le "vieux rêve" de tous les paléontologues et biologistes en
permettant aux scientifiques de "traverser la matière", a résumé lors d'une
présentation à la presse Gaël Clément, responsable de ce nouvel engin partagé
entre le MNHN et le CNRS. Le principe utilisé par AST-RX est semblable à
celui des scanners médicaux: le spécimen à analyser est placé sur un plateau
rotatif qui tourne lentement, permettant à la machine de prendre quelque 3.000
clichés aux rayons X sur 360 degrés. Les images obtenues sont alors
assemblées et modélisées par ordinateur, créant à volonté un "volume virtuel" en
trois dimensions et autant de "coupes virtuelles" que nécessaire, explique M.
Clément. Si ce type d'appareil était déjà à la disposition des scientifiques
dans certains centres de recherches (synchrotron Soleil par exemple), le Muséum
est le "premier musée au monde à être doté d'un scanner aussi performant et
polyvalent", assure le paléontologue. AST-RX est en effet équipé de deux
foyers distincts, l'un permettant de disséquer des objets très petits (larve
d'insecte ou graine de l'ordre du millimètre par exemple), l'autre étant capable
de radiographier des spécimens beaucoup plus gros, comme des poissons
préhistoriques ou des crânes de néandertaliens. Outre la possibilité pour les
chercheurs d'explorer rapidement et sans dommage des spécimens parfois rares et
fragiles, puis de partager leurs "duplicatas virtuels" avec les scientifiques du
monde entier, cet équipement est également d'un grand intérêt pour le fonds du
Muséum. Car la plupart des 68 millions de spécimens conservés au MNHN, depuis
parfois plusieurs siècles, n'ont été explorés "qu'en surface" et pourront donc
dorénavant révéler certains secrets de leur structure interne, souligne Gilles
Bœuf, président du Muséum. Avec un tel scanner, il devient ainsi possible de
débarrasser virtuellement de sa gangue un insecte vieux de 30 millions d'années
fossilisé dans l'ambre puis d'aller étudier ses organes génitaux, s'enthousiasme
Gilles Bœuf. D'un coût de 876.000 euros, AST-RX a notamment été financé à
plus de 40% par le Conseil régional d'Ile-de-France.